Lundi 2 juin 2014, 18 heures, la salle de la Cinémathèque n’était peut être pas pleine de monde, mais l’émotion qu’elle a abritée pouvait couvrir la planète entière.
Annik, la fille de Jean-Louis Hurst était là, qui a servi aux présents un film sur ces Français de nationalité qui ont « trahi » la « trahison ». Les « porteurs de valises », ce nom qu’on leur a donné, qui pourrait réduire leur engagement à sa sémantique, a fini par signifier l’immensité humaine de ces femmes et de ces hommes, qui ont bravé la Barbarie et ont contribué à l’abattre. Ils ont décidé, comme on entre en religion, de rejoindre la lutte de libération du peuple algérien. Ils ont universalisé cette lutte. Ils s’y sont reconnus et l’ont faite leur. Humblement, ils n’ont demandé qu’à servir. Ils ont obéi, dans le respect le plus absolu, aux directives du Front de Libération Nationale, le FLN. Ils se sont faits les « Frères des Frères », au péril de leur vie, sans préjudice du sacrifice qu’ils faisaient de leur sérénité propre et de la sérénité de leurs proches.
Comme celle-ci qui a été arrêtée et qui ne pouvait dire à sa petite fille qu’elle était en prison. Les enfants d’Algériens, eux, pouvaient être fiers que leurs mères ou pères soient arrêtés, pas sa fille. Pas une petite française…Cela aurait été trop compliqué à expliquer, voire impossible à faire comprendre un idéal par trop étrange, celui d’être contre son propre pays au profit d’un autre. Faire la guerre à la guerre coloniale. C’était l’une de ces difficultés, et pas la moindre, d’être ce qu’ils étaient, dans un monde où les camps ennemis se définissent autrement que selon les critères de l’internationalisme des droits humains. Selon le sentiment qui a envahi Jean-Louis Hurst lorsqu’il a déserté. Un sentiment de joie, celui d’avoir « perdu un pays », mais d’avoir « gagné l’humanité ». Un sentiment de plénitude pour ce prêtre chrétien qui a considéré, dans sa foi propre, que « dieu est faible et qu’il fallait l’aider », par l’aide qu’il fallait apporter aux opprimés.
Un sentiment de raison pour celui-ci qui a « trahi la trahison », la trahison des idéaux de justice s’entend. Le sentiment de celui-là qui, sorti de l’armée coloniale où il se méprisait, se trouvait en accord avec sa conscience de communiste de se battre contre le colonialisme et non pour lui. Ils étaient des femmes et des hommes que l’Histoire seule sait produire, quand le besoin se fait sentir de bousculer un ordre inique, lorsque les seules valeurs qui vaillent sont de détruire le mal. Ils étaient des êtres d’exception par qui se réalise la fraternité, telle que celle qui a libéré le peuple algérien du crime. Celle qui « construit des ponts » entre les peuples.
Ils auront reproduit la « résistance française » contre leur propre Etat, car il était du côté de l’injustice. Selon les mêmes motifs de révolte qui ont animé les résistants au régime du maréchal Pétain et aux forces d’occupation nazies. Ils n’ont pas cherché la gloire, ils ne l’ont pas revendiquée. Connus ou inconnus, ils sont restés humbles, avec l’inestimable et indicible satisfaction du devoir accompli. Et au-delà, ils ont donné le magnifique exemple du don de soi aux causes justes.
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